Une tresse qui se démêle pour nous offrir trois vies délicates et touchantes. Chaque brin, une femme.
Nous avons lu ce roman en cours, avec les bacheliers. Ça a été leur premier roman «authentique» (pas adapté), lu en entier en français. Je suis très fière du déroulement des séances: lecture à voix haute, explication, commentaire et prise de notes en commun. Après, discussion, et bien sûr, réflexion et comparaison de ce qui arrive aux trois protagonistes avec le monde connu. C’est inévitable. Et nécessaire. La structure du roman a aidé à rendre cette lecture plus plaisante car les chapitres sont plutôt courts, très bien rédigés et documentés.
Il s’agit de trois histoires appartenant à trois femmes très différentes entre elles, qui n’ont aucun point en commun, mais qui ressentent une forte envie de liberté, chacune à sa façon. Smita, Giulia et Sarah. Une tresse parfaite.
Smita, une jeune Intouchable de l’Inde n’est jamais allée à l’école. Elle vide les excréments des latrines sèches des familles plus riches qu’elle, parmi lesquelles se trouve celle du Brahmane qui enseigne à sa fille Lalita. Smita ne veut pas que Lalita ait le même destin qu’elle et, en faisant beaucoup d’efforts économiques, l’emmène à l’école. Mais là-bas ce n’est pas comme elle avait imaginé parce que sa fille est humiliée devant tout le monde par le Brahmane. Elle décide, alors, de prendre son destin en main: partir ailleurs, fuir même si son mari n’est pas d’accord.
Ce soir-là, Smita prie devant le petit autel consacré à Vishnou. Elle sait qu’elle ne pourra pas trouver le sommeil. Elle repense aux cinq lacs de sang, et se demande combien de lacs de leur sang à eux, les Intouchables, il faudra remplir pour les libérer de ce joug millénaire. Ils sont des millions comme elle, des masses résignées attendant la mort, tout ira mieux dans une vie prochaine, disait sa mère, à moins que le cycle infernal des réincarnations ne cesse. Le nirvana, l’ultime destination, voilà ce qu’elle espérait.
Giulia, une jeune sicilienne se voit obligée de diriger l’entreprise de son père, parce qu’il se trouve dans le coma. Il s’agit d’un atelier qui fabrique des perruques avec des cheveux italiens depuis plusieurs générations. Un jour, elle découvre que l’atelier est en complète faillite et elle fait tout son possible pour le renflouer. D’ailleurs, elle a une relation secrète avec Kamal, un indien Sikh, qui va lui apporter une solution à son problème.
Aujourd’hui, la mamma lui a confié une mission, celle d’aller chercher un papier dans le bureau de son père à l’atelier. L’hôpital lui réclame un document qu’elle ne parvient pas à trouver, dio mio, que tout cela est compliqué, se lamente-t-elle. Giulia n’a pas le coeur de refuser. Elle n’a pourtant pas envie d’entrer dans cette pièce. Elle n’y a pas remis les pieds depuis l’accident.
Sarah, avocate québecoise très réputée et mère célibataire de trois enfants, a réussi à dépasser le plafond de verre qui empêche souvent quelques personnes, voire les femmes, à gravir les échelons. Elle est ambitieuse, travailleuse, créative, brillante et elle s’est fait une place dans une entreprise de prestige. Un jour, elle apprend qu’elle a un cancer du sein très avancé et elle commence à voir la vie d’une autre façon. Elle est de plus en plus mise à l’écart au cabinet et elle doit se battre pour plusieurs causes.
Cette violence porte un nom, qu’elle a du mal à prononcer: discrimination. Un terme qu’elle a cent fois entendu lors de ses procès, et qui ne l’a jamais vraiment concernée -du moins le croyait-elle. Elle en connaît pourtant par coeur la définition.
La vie de ces trois femmes aura un lien dont elles n’auront pas conscience, mais que nous, lecteurs, découvrons tout au long de la lecture, surtout vers la fin.
J’ai adoré relire ce premier roman de Laetitia Colombani, cette fois-ci avec mes chers élèves. Pendant la lecture nous avons souvent cherché des photos des endroits qui apparaissent, surtout ceux d’Inde, et nous avons pu approfondir sur certains des sujets traités. L’histoire qui nous a touché le plus c’est celle de Smita et lorsque nous avons découvert le lien entre les trois femmes, nous avons ressenti un grand bonheur.
Ça a été une expérience inoubliable qu’en plus de nous découvrir d’autres manières de vivre et de penser, nous a relié en tant que groupe. Vive la lecture collective et à haute voix!