Les loyautés de Delphine de Vigan

Roman choral, à quatre voix, qui dessine une société maltraitée et malheureuse.

Hélène, professeure de SVT, s’inquiète pour Théo, son élève de presque treize ans. Dès qu’elle l’aperçoit le premier jour de cours, elle reconnaît chez lui quelque chose qui lui en est familier. Gamine maltraitée par son père, elle croit ressentir d’un coup la violence chez les autres. Elle ne se trompe pas, quoique chez Théo il ne s’agit pas de la même violence qu’elle a subi.

Théo, parents divorcés, vit en garde alternée, deux ennemis, deux mondes, deux langues différentes. Sa mère déteste son père et elle l’a toujours fait savoir à Théo, qui évite même de dire son nom. Son père tombe dans une dépression après avoir perdu son travail et les liens qu’il avait (famille, copine…). Ce sera Théo qui s’en occupera de tout la semaine qu’il est avec lui. Devant cette situation d’incomunication totale, et pour s’évader, Théo commence à boire.

Théo et Hélène s’éblouissent l’un à l’autre. Et Hélène, dont la vie n’est dédiée qu’au collège, se demande ce qu’elle fait de sa vie, pourquoi elle se sent incapable de réagir, incapable de créer des liens solides et durables. Elle fait tout ce qui est de sa portée pour sauver cet enfant, comme elle aurait sûrement souhaité qu’on fasse pour elle.

Quelque chose à l’intérieur de moi, ce mélange de peur et de colère qui s’était endormi pendant des années -sous l’effet d’une anesthésie aux apparences de douce somnolence, dont je contrôlais moi-même les doses, delivrées à intervalles réguliers-, quelque chose en moi s’est réveillée».

Mathis, l’ami inséparable de Théo, ne veut pas le laisser seul et commence à boire aussi. Mais lui a sa mère, Cécile, qui, un soir, tombe sur les deux jeunes ivres et punit son fils. Elle essaie de s’approcher des parents de Théo mais cela ne mène à rien, d’un côté parce que quand elle accompagne Théo chez son père afin de lui raconter ce qui s’est passé, Théo s’enfuit à l’échappée belle. Cécile n’approuve pas leur amitié, surtout parce qu’elle a d’autres problèmes plus graves: elle vient de découvrir que son mari mène une vie, virtuelle, sous une autre identité.

Tous les personnages cachent de choses, par peur, incapacité ou volonté. Et tous subissent d’une solitude et d’une incomunication terrible. Peut-être le seul personnage qui fera quelque chose pour lui-même (et en conséquence pour les autres) est Cécile, quoique dans le roman on ne le voit pas, mais on peut le ressentir, car on remarque quelques petits changements.

Je refusais d’admettre que William puisse concevoir et poster de telles horreurs. Et en même temps, c’est comme si je l’avais toujours su.

C’est étrange, d’ailleurs, cette sensation d’apaisement lorsque enfin émerge ce que l’on refusait de voir mais que l’on savait déjà, enseveli pas très loin, cette sensation de soulagement quand se confirme le pire.

Mathis et Theo, face aux adultes qui n’assument pas leur rôle, se noient, eux eussi, dans leurs secrets, leurs désenchantements. Leurs souffrances intimes. Tout le monde souffre, tout le monde est malheureux et tout le monde semble ne rien pouvoir faire pour s’en sortir. Ils habitent une sorte d’anéantissement, surtout Théo. Le seul truc qu’ils font, c’est de croire (sans se le dire, bien sûr) aux liens invisibles qu’ils ont crée autour d’eux: les amis, les parents, le conjoint, les élèves, son passé… Et c’est cette «loyauté silencieuse» qui campe dans tout le roman, une loyauté qui n’est pas forcément consciente, une loyauté qui fait bouger les personnages et leur fait avancer vers une destinée inconnue, et desfois, tragique. Moi, cette loyauté, je l’appelle aussi de l’intuition.

À part des sujets traités ouvertement dans le livre: la maltraitance, la solitude, l’abandon, l’incomunication, l’alcoolisme chez les jeunes, le malheur… un thème important qu’on y trouve c’est, à mon avis, l’intuition. La vie nous donne des pistes toujours, se manifeste en nous invitant à l’observer et à faire tout le temps un choix. Mais pour bien réussir dans ce choix il faut l’écouter, il faut être attentif et la plupart des fois on n’est pas prêts à l’entendre et on préfère de rester anesthésiés. Tel est le cas des personnages du roman. Aussi parce que le fait de «savoir» pourrait être insupportable, et c’est plus confortable de continuer à l’aveuglette et de se sentir coupable après. Tous les personnages se sentent coupables par quelque chose, normalement, quelque chose de cachée.

Delphine de Vigan est douée pour explorer l’espace intime des être humains, por nous donner des détails du quotidien et nous faire ressentir le souffle des personnages. Avec une narration implacable et concise elle nous laisse avec la gorge nouée pendant tout le roman. Il faut le lire absolument!

1 comentario en “Les loyautés de Delphine de Vigan”

  1. Je suis d’accord avec vos commentaires. Cette histoire m’a provoqué tristesse, tous les personnages ont de problemes mais la situation de Theo est très triste, il n’est qu’un enfant … il ne peut parler de ce que lui arrive, même pas a sa mère ….

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