Histoire inquiétante et à lire d’une traite.
Dans ce roman du prolifique Foenkinos nous trouvons deux parties bien différenciées: dans la première, on assiste à la vie de couple de Mathilde et Étienne et à leur subite rupture. Étienne quitte Mathilde pour se remettre avec son ex-copine, Iris, qui est retournée de l’Australie, depuis cinq ans d’absence. Ce fait bouleverse complètement l’univers de Mathilde, et à partir de ce moment-là tout autour d’elle commence à dérailler. Peu temps après, elle est renvoyée du lycée ou elle travaille comme professeure de français parce qu’elle a giflé un élève. D’ailleurs, elle se voit obligée de laisser l’appartement où sa vie de couple a eu lieu.
Mathilde, passionnée de la littérature française, plus exactement de Flaubert, enseigne depuis quelques années son roman, L’éducation sentimentale. Elle connait l’histoire par coeur, elle y a réfléchi de la tête aux pieds. Elle est donc habituée à dechiffrer les mots, les idées, et maintenant elle ne peux pas arrêter de penser au sens de ce qui lui est en train d’arriver et elle à sa vie un sens d’échec absolu. En quelque sorte, elle fait un personnage d’elle-même et elle doit jouer un rôle.
Mathilde s’arrêta sur cette expression: rattraper le temps perdu. C’est ce qu’on dit quand les deux personnes ne se sont pas vues pendant longtemps. Mais mà, en l’occurrence, le temps perdu: c’était elle.
Dans la deuxième partie du roman, Mathilde n’a autre choix qu’aller vivre chez sa soeur Agathe, marié à Frédéric et maman de Lili. Ce qui est un hébergement temporel jusqu’à ce que Mathilde remonte un peu le moral devient une tragédie. Ici, on voit le contrast entre les deux soeurs, comment elles ont conduit leurs vies après la mort du père étant, elles, des enfants et accompangnant leur mère veuve. Comment elles se sont attachées à des choses très différentes: Agathe ne lit pas, elle travaille dans une banque, elle aime les plantes et porte une vie tranquille (peut-être anodine?). Mathilde ,par contre, a trop lu, elle a toujours été atachée à à la fiction, soit en forme d’étude approfondi, soit en forme de rêverie, car elle a fait de sa vie une fantaisie qui, comme telle, peut tomber dans n’importe quel moment. Et c’est ce qui lui arrive. Ici s’installe le vrai drame de Mathilde: elle est capable de décortiquer l‘Education sentimentale de Flaubert, mais pas de gérer sa vie, même pas de la comprendre et encore moins de l’accepter. Et elle devient folle, quoique personne ne se rend vraiment compte.
L’ambiance du roman est très bien construite car on a de plus en plus mal à respirer et on ressent que quelque chose de catastrophique va ser passer. Les éléments que l’auteur nous laisse sont comme des petites miettes qui nous invitent à continuer à lire et surtout à prendre plaisir. Une particularité de la narration de Foenkinos est le goût pour les notes au pied de page, pas du tout habituelles dans des romans mais dans des essais. Ces notes nous donnent une autre perspective de la pensée des personnages. Desfois, cela nous fait rire.
Lire plusieurs fois un roman a beaucoup d’avantages. La meilleur, celle de percevoir les pistes que l’auteur nous laisse pour nous aboutir à la fin. Ces pistes fonctionnent comme de odeurs sublimes qui restent dans l’insconcient.
Mathilde se sentait de plus en plus soumise à ce qui la violentait, elle perdait pied; elle n’arrivait plus à manger, à dormir, à se contrôler; il lui semblait qu’un nouvel esprit prenait progressivement possession de son corps; c’était toujours elle, bien sûr, elle reconnaissait ses mouvements, mais ils étaient aux mains d’une nouvelle direction; une direction incontrôlable, pour ne pas dire malveillante.
Mathilde (comme tous les autres personnages, je dirais) est seule et enragée. Elle se croit dans le droit d’avoir raison. Elle a été abandonnée, quittée, et sera bientôt oubliée. Elle n’est pas sincère, avec personne. Elle cache ses sentiments et elle finira par vivre une existence inventée, une sorte de vie qui n’existe pas, mais qui est racontée aux autres, comme une fiction littéraire.
Une idée puissante de ce roman, à mon avis, c’est à quel point la souffrance agit sur nous? Pourquoi dans notre société, nous parteageons de moins en moins la souffrance? Pourquoi nous ne parlons plus d’elle? La soufrance est devenue un sujet tabou, une espèce de farde pour tout le monde, surtout pour celui qui le porte, et pourtant, dans un moment ou un autre, on la ressent et l’incarne. Et si on en parle, c’est très peu, souvent suite à un évènement choquant, la mort de quelqu’un, une séparation ou une maladie, mais on en parle d’une manière assez superficielle et topique, et assez souvent, aussi, la réponse rapide est l’anésthesie. La rapidité du monde moderne. La phyquiatre donne des médicaments à Mathilde lorsqu’elle lui raconte un peu ce qui lui arrive, pour qu’elle puisse apaiser sa douleur.
La fin est merveilleuse. Peu importe si on la devine. Tout l’histoire nous mène à telle dénouement. Certains on dit être en face d’une tragédie grecque. Imaginer la suite des personnages est encore mieux, puisque nous, lecteurs et lectrices passionné.e.s, on ose se demander, (enfin!) comment sont vraiment les personnes qui nous entourent et que nous aimons le plus? Se poser cette sorte de questions est, d’après moi, une des plus fantastiques fonctions de la bonne littérature.