Chanson douce de Leïla Slimani

Qui aurait pu nous dire qu’une histoire autour d’une nounou pourrait autant nous captiver?

Le secret se trouve au début: Le bebé est mort. Juste après on voit sa soeur, déjà dans l’ambulance, se debattant entre la vie et la mort. La responsable du double crime est Louise, la nounou qui les a gardés depuis quelques mois et qui a tenté, ensuite et sans succès, de se suicider.

Lorsque nous connaissons déjà la fin, et bouleversés par la cruauté des faits, l’histoire se déclenche. Ce roman parle de la quotidienneté domestique, le jour a jour d’une nounou qui travaille dans l’appartement d’un couple bobo, progressiste et sympa qui lui confie leurs enfants.

La mère, Myriam, est dégoûtée de ses longues journées à la maison, les enfants la «dévorent vivante». Par contre, la vie de Paul, son mari, n’a éprouvé aucun changement depuis l’arrivée des mômes: il travaille dans la production musicale et il est toujours très occupé. Un jour, dans un supermarché, Myriam tombe sur Pascal, un copain de la faculté de droit, et elle a honte de se voir traînant une poussette, mal hâbillée et mal coifée. Pourtant, elle prend cette rencontre comme un signe pour reprendre le travail. Aussitôt dit, aussitôt fait, ils cherchent une nounou et ils trouvent Louise.

Louise arrive chez les Massé comme une fée, elle séduit tout le monde dès le début, même les amis du jeune couple qui fréquentent la maison pour déguster les plats de la nounou. En général, elle fait beaucoup plus qu’on ne lui demande et elle va même en vacances avec eux. En quelque sorte, elle fait partie de la famille, mais d’une façon transparente, pas familière, échapante, on profite de toutes ses tâches, mais on ne la voit pas.

Myriam se montre un peu mal à l’aise devant quelques gestes de la nounou, par exemple quand elle fait manger à leurs enfants les restes d’une carcasse de poulet qu’elle avait jeté la veille dans la poubelle. Elle se dit que louise est peut-être en train de se venger pour les quelques remarques qu’elle lui a faite parfois, mais comme elle veut surtout être cool et se montrer compréhensive et son mari lui fait voir qu’elle exagère, elle finit par se taire. À un moment donné, toute la famille étant dans la voiture, Myriam aperçoit Louise de loin et c’est là qu’elle réalise qu’elle a une vie, «pour la première fois, elle tente d’imaginer, charnellement, tout ce qu’est Louise quand elle n’est pas avec eux«. Elle ne soupçonne pas à quel point elle se trompe, parce que la seule compagnie de Louise est la solitude et la misère qui l’entoure. Elle ne sait pas qu’elle a été renvoyé de son appartement et que sa fille l’a abandonné.

Vers la fin du roman, ayant déjà fastasmé à l’idée de l’a naissance d’un autre bébé qu’elle puisse garder, Louise ne parvient pas à trouver de consolation auprès des enfants. On s’approche de la fin et le lecteur souhaite tomber sur la faille qui va provoquer le drame familial. Mais elle n’y arrive pas, elle n’y arrive jamais, parce qu’on découvre que la crue réalité est que toute la vie de Louise a été un drame.

Cette histoire prenante dès le début nous fait penser au film La mano que mece la cuna (The hand that rock the handle,1992) car la nounou est très bien décortiquée psycologiquement. On a beau imaginer qu’elle prépare une vengeance contre Myriam et Paul, on la voit parfaitement dans plusieurs endroits et moments de son existence. Nous, lecteurs, qui connaisons la fin, nous sommes très attentifs, (comme la capitaine chargée du sujet) au moment où tout a pu se tordre, à quel instant elle a peté les plombs. On a besoin de justifier son acte pervers mais, malheurement rien ne le justifie, parce qu’en réalité elle a toujours été entourée d’une violence qui l’a remplit petit à petit. Elle survie dans un appartement sordide, sans douche ni lumière, elle était mariée à un homme sauvage, qui l’a laissé endettée. Lorsque les enfants iront à l’école, on n’aura plus besoin d’elle et elle sera obligée de chercher une autre famille. Elle est écoeurée.

Dans ce roman se respire beaucoup l’inconfort et la gêne: le couple ne se dit pas les choses par paresse, ils bougent autour d’une superficialité qui leur convient. Tout le monde est gêné par quelque chose ou a honte de quelque chose. Myriam a honte de ne pas apprécier la vie maternelle, elle se sent coupable d’abandonner ses enfants, ensuite elle a honte de réprimander Louise d’être trop épargnante parce que, peut-être qu’elle a raison; Paul cache sa Rolex lorsqu’il va rendre visite à sa mère; la voisine pense qu’elle aurait pu éviter la catastrophe parce qu’elle avait croisée Louise et les enfants le jour du crime et avait pressenti que quelque chose n’allait pas. Toutes les autres nounous cachent des petits vols, des affaires de couche avec leurs patrons, des histoires passées… Enfin, le mensonge est très présent dans le roman.

Louise se nourrit de tout cette mécanique injuste qui la rend de plus en plus silencieuse et malchanceuse, et elle arrive au crime comme un échappatoire, à mon avis, pas du tout prémeditée.

Le thème principal du roman est la solitude. Elle aborde également la lutte des classes. La domination s’exprime parmi les petits gestes, des petits silences inconfortables, par exemple, quand Paul engueule Louise parce qu’elle a maquillé Mila comme une pute où quand Louise frappe sa fille après être renvoyée du lycée.

On se demande jusqu’à quel point on connaît les autres, même ceux avec qui on partage jour après jour. Personne n’est capable de connaître profondement l’autre. Et cela est, peut-être, la plus grande solitude.

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